Police municipale et trafics : refuser l’illusion sécuritaire, construire une sécurité républicaine pour la tranquillité publique. Par Gabriel Amard député du Rhône à Villeurbanne.
Le gouvernement a présenté un projet de loi relatif à l’extension des prérogatives des polices municipales et des gardes champêtres. Annoncé comme une grande réforme, il n’est en réalité qu’un nouvel épisode dans la fuite en avant sécuritaire.
Sous couvert de « rationaliser » l’action des polices municipales, le texte les transforme en véritables forces de répression locale. Il élargit leurs pouvoirs judiciaires : constat d’infractions, relevés d’identité, délivrance d’amendes forfaitaires délictuelles, expérimentation des drones, extension de l’usage des armes pour les gardes champêtres.
Tout cela sans statut clair, sans moyens suffisants, et surtout sans réflexion sur la prévention ni sur le rôle de l’État. En réalité, l’État se décharge sur les communes, sans leur donner de financements supplémentaires.
Une usine à gaz dangereuse
Le texte crée une confusion institutionnelle : la police municipale voit ses pouvoirs élargis, mais reste dépendante de conventions avec l’État, sous le contrôle du procureur de la République. Résultat : une police municipale plus armée, plus autorisée à réprimer, mais encore plus soumise à un empilement de règles et de tutelles.
Cette dérive comporte deux dangers :
- Un accroissement des inégalités entre communes. Les villes riches pourront financer davantage d’agents, mieux armés et plus nombreux, alors que les communes populaires resteront démunies.
- Un risque d’abus et de répression ciblée. Les personnes les plus touchées seront, comme toujours, les plus précarisées et les plus racisées.
Rappelons que 23 personnes ont été tuées par balles en 2024, dont 2 par la police municipale. Croire qu’armer davantage réduira la violence est une illusion pour moi multiplier les armes, c’est multiplier les drames.
Avec les parlementaires LFI nous proposons de refonder une police nationale de proximité républicaine
Face à ce projet dangereux, nous défendons une autre voie :
- Une police de proximité nationale et étatisée, ancrée dans les quartiers, formée à la désescalade et au dialogue remplacera les polices municipales.
- Une police qui coopère avec les acteurs locaux (éducateurs, associations, services sociaux) pour reconstruire du lien.
- Une police républicaine, garante des droits et libertés, et non instrumentalisée par des logiques locales ou partisanes. Cette police devra intégrer et former les policiers municipaux qui feront le choix d’y poursuivre leur carrière.
C’est ainsi que nous pourrons assurer la sûreté de toutes et tous, sans basculer dans un modèle de répression généralisée.
Comment éradiquer les trafics de drogue : la voie insoumise
Le projet de loi feint de répondre aux inquiétudes légitimes des habitants sur les trafics, mais il se trompe de cible. La dérive sécuritaire frappe d’abord les usagers et les habitants, sans jamais assécher les réseaux criminels.
La mission d’information codirigée par Antoine Léaument à l’Assemblée nationale l’a montré : le « tout répressif » a échoué. Il faut inverser la logique et agir sur les véritables leviers :
- Dépénaliser l’usage simple pour libérer la justice et les forces de l’ordre, et concentrer la répression sur les trafiquants et les filières de blanchiment.
- Légaliser et réguler le cannabis : c’est la manière la plus efficace d’assécher un marché qui finance les réseaux criminels. Cela permet d’imposer des normes sanitaires et de protéger les mineurs.
- Renforcer la prise en charge sanitaire et sociale : centres de sevrage, consultations d’addictologie, programmes de réduction des risques, salles de consommation supervisée.
- Concentrer la répression sur les filières financières et logistiques : enquêtes patrimoniales, saisies d’avoirs criminels, coopération transnationale.
- Offrir des alternatives économiques aux jeunes des quartiers : emploi, formation, projets culturels et sportifs, filières d’insertion.
- Créer une instance de suivi démocratique (avec magistrats, acteurs de santé, élus locaux, associations) pour garantir transparence, efficacité et droits fondamentaux.
Cette stratégie ne nie pas la nécessité de la répression : mais elle la rend ciblée, efficace et compatible avec une société démocratique. Elle couple la lutte contre les trafics à une véritable politique de santé publique et d’émancipation sociale.
Villeurbanne et le Tonkin : des solutions concrètes
À Villeurbanne, et particulièrement au Tonkin, les habitants vivent les conséquences des trafics : tensions dans l’espace public, pression sur les familles, sentiment d’abandon. Mais la solution ne viendra ni de drones ni d’armes supplémentaires. Elle viendra d’un plan local, construit avec et pour les habitants :
- Créer une unité locale de prévention et de soin (médecins, éducateurs de rue, travailleurs sociaux), capable d’intervenir rapidement et d’orienter vers des parcours de santé et de sevrage.
- Déployer des médiateurs et éducateurs dans le quartier, formés à la désescalade et à la médiation scolaire, pour couper l’attractivité des réseaux.
- Lancer un plan d’insertion économique : emplois aidés, ateliers-chantier, filières de formation pour offrir des alternatives crédibles aux jeunes tentés par l’économie parallèle.
- Renforcer la coopération entre police nationale, justice et acteurs sociaux, mais sans armer davantage la police municipale : cibler les têtes de réseaux, pas stigmatiser les habitants.
- Expérimenter des dispositifs de réduction des risques en lien avec la Métropole et l’ARS.
- Réinvestir les avoirs criminels saisis dans des projets de prévention, de logement, de culture et de sport au Tonkin.
La sécurité : un bien commun
La sécurité est un droit fondamental. Mais elle ne doit pas se confondre avec la répression aveugle ni avec la militarisation des communes. Elle doit être construite comme un bien commun : par l’État, garant de l’égalité républicaine; par des forces de police républicaines ; par la prévention sociale, sanitaire et culturelle dans les quartiers populaires.
À Villeurbanne comme au Tonkin, nous continuerons à défendre une vision cohérente : moins d’armes, plus de droits ; moins de stigmatisation, plus de prévention ; moins de répression aveugle, plus de justice ciblée.