Depuis plus de trente ans, un même épouvantail est brandi dès qu’il est question de justice fiscale : si l’on taxe davantage les grandes fortunes, elles s’enfuiraient et ruineraient notre économie. Ce refrain est répété avec une telle constance par les libéraux et leurs relais médiatiques qu’il est devenu une évidence pour certains. Pourtant, les faits démentent catégoriquement ce mythe.
Une récente étude du Conseil d’analyse économique (CAE), organisme rattaché à Matignon, vient une nouvelle fois d’apporter des preuves solides : l’exil fiscal des plus riches est marginal, et son impact sur l’économie française est quasi nul.
Ce que dit vraiment la science économique
Le CAE a passé au crible le comportement des 1 % les plus riches de notre pays lors des grands tournants fiscaux : la hausse des impôts sur les revenus du capital en 2013, puis les cadeaux massifs faits par Macron en 2017.
Les résultats sont limpides :
• Chaque année, 0,2 % des 1 % les plus riches quittent le pays – soit deux fois moins que la moyenne nationale (0,38 %). Autrement dit, les plus riches s’expatrient moins que le reste de la population !
• Après la hausse d’impôt de 2013, le taux de départ n’a presque pas bougé : +0,09 % au maximum.
• Les baisses fiscales de Macron en 2017 n’ont pas non plus retenu les fortunes : l’effet est encore plus marginal, de l’ordre de 0,01 à 0,04 %.
La conclusion des chercheurs est implacable : « Une augmentation de l’imposition des hauts patrimoines d’un point de pourcentage engendrerait chaque année une diminution de la population de hauts patrimoines résidant fiscalement en France de 0,003 à 0,03 %. »
En clair, les riches ne fuient pas, ils s’adaptent. Leur véritable arme n’est pas la valise, mais l’optimisation et l’évasion fiscale, facilitées par la complaisance des gouvernements.
L’exil fiscal, un faux problème
Contrairement à ce que laissent entendre les libéraux, l’expatriation des plus riches n’entraîne pas le départ des forces productives ou des entreprises. Il s’agit essentiellement d’un changement de domiciliation fiscale.
Les chercheurs du CAE, à partir de données suédoises extrapolées à la France, évaluent l’impact économique de cet exil à :
• entre 0 et -0,03 % pour le chiffre d’affaires des entreprises,
• entre 0 et -0,04 % pour l’emploi,
• entre 0 et -0,05 % pour la valeur ajoutée totale.
Ces effets sont tout simplement insignifiants à l’échelle d’une économie comme la nôtre. À titre de comparaison, l’austérité coûte 0,6 % de croissance chaque année !
Le prétexte des macronistes
Face à ces données, le contraste est frappant. Depuis 2017, Macron et ses alliés se drapent dans une posture hypocrite : ils affirment vouloir taxer les riches, mais « ne pas pouvoir » sous peine de les voir partir.
En réalité, ils se servent de ce mythe comme d’un alibi commode pour protéger les ultra-riches. François Bayrou en a encore donné un exemple caricatural le 31 août dernier, en qualifiant la « taxe Zucman » – une garantie d’impôt de 2 % sur les très hauts patrimoines – de « menace pour les investissements en France ». Une affirmation en totale contradiction avec les conclusions des économistes… missionnés par Matignon lui-même !
C’est donc bien une stratégie politique : faire croire qu’il serait impossible de taxer les grandes fortunes pour justifier leur impunité fiscale, alors même que la population subit de plein fouet l’austérité, l’inflation et la casse des services publics.
Le vrai bilan : une politique injuste et inefficace
Depuis Macron, la fiscalité française s’est profondément déséquilibrée :
• Les revenus du capital sont désormais moins taxés que ceux du travail.
• La suppression de l’ISF, la flat tax, la baisse de l’impôt sur les sociétés, la suppression de la taxe d’habitation et les exonérations de cotisations sociales ont avantagé les plus fortunés.
• Ces mesures coûtent 75 milliards d’euros par an à l’État, sans effet positif notable sur l’investissement ou l’emploi.
En clair : les cadeaux fiscaux massifs aux riches n’ont pas produit de résultats économiques, mais ont creusé les inégalités et privé l’État de moyens essentiels.
Pour une fiscalité juste et efficace
Face à ce constat, il est urgent de remettre la progressivité et la justice au cœur de notre système fiscal. Voici nos propositions :
• Imposer les revenus du capital comme ceux du travail, en supprimant la flat tax.
• Rétablir et renforcer l’ISF, avec un volet climatique pour taxer les actifs les plus polluants.
• Introduire la « taxe Zucman » : une contribution minimale de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches.
• Réformer la fiscalité successorale, en comptabilisant tous les dons et héritages perçus au cours de la vie, et en instaurant un héritage maximal de 12 millions d’euros.
• Rétablir l’exit tax supprimée par Macron.
Ces mesures ne sont pas théoriques : à l’automne 2024, lors de l’examen du budget, nous avons déjà réussi à montrer qu’il était possible de dégager 75 milliards d’euros de nouvelles recettes.
C’est une question de choix politique
Au fond, la question n’est pas économique, mais politique. Les ultra-riches ne fuient pas : ils sont protégés par le pouvoir en place. Emmanuel Macron, en verrouillant l’exécutif, s’érige en dernier monarque qui refuse obstinément toute contribution des plus fortunés.
Pour rétablir la justice fiscale, pour sauver nos services publics et pour reconstruire une véritable démocratie sociale, il faudra bien tourner la page de ce pouvoir illégitime. L’histoire nous enseigne que chaque fois que les grandes fortunes ont été mise à contribution de l’effort collectif, la République en est sortie renforcée.
« La véritable démocratie n’est pas seulement le droit de voter, c’est aussi le droit de vivre dignement » – Jean Jaurès.