À la veille d’un vote de confiance dont chacun sait qu’il provoquera la chute de son gouvernement, François Bayrou a choisi d’offrir à l’extrême-droite un gage idéologique : s’attaquer à l’Aide médicale d’État (AME). Ce dispositif, qui garantit l’accès aux soins pour les personnes étrangères en situation irrégulière les plus pauvres, est non seulement une obligation humanitaire mais aussi un impératif de santé publique. Sa remise en cause, au nom d’une démagogie raciste et d’un calcul politicien, met en danger des vies et affaiblit la santé de toute la population.
Depuis deux ans, la macronie déroule le tapis rouge au Rassemblement national et à la droite extrême. Darmanin, Barnier, Retailleau, Delahaye : chacun y est allé de sa proposition pour rogner l’AME, parfois jusqu’à en réclamer la suppression pure et simple. Le gouvernement Bayrou poursuit cette pente funeste : révision du panier de soins, restrictions nouvelles, conditionnalité accrue, multiplication des justificatifs, conjugalisation des ressources. Tout cela n’a qu’un but : rendre l’AME inaccessible et réduire la protection sanitaire de dizaines de milliers de personnes.
Les conséquences seront dramatiques. Le Haut Conseil de la santé publique l’a rappelé : les bénéficiaires de l’AME sont exposés à un sur-risque de maladies infectieuses (tuberculose, VIH, hépatites, IST, Covid). Empêcher leur prise en charge, c’est favoriser la diffusion de ces maladies dans toute la population. L’Espagne en a fait la cruelle expérience : la réduction de son équivalent de l’AME a provoqué une hausse de 15 % de la mortalité parmi la population migrante, avant d’être abandonnée en 2018.
L’argument budgétaire ne tient pas. L’AME représente moins de 0,5 % des dépenses de santé (1,2 milliard d’euros). Le coût par bénéficiaire est inférieur à celui d’un assuré social et la dépense moyenne annuelle plus basse que celle de la Complémentaire santé solidaire. En réalité, restreindre l’AME coûterait plus cher : faute de soins ambulatoires, les pathologies s’aggravent et entraînent des hospitalisations lourdes. Là encore, la logique austéritaire mène à l’absurde.
Quant à l’argument de “l’appel d’air”, il est purement fantasmatique. Les études le prouvent : l’AME n’a jamais constitué un facteur d’attractivité migratoire. Les conditions d’accès sont drastiques (résidence de plus de trois mois en France, revenus inférieurs à 861 euros par mois, renouvellement annuel du dossier) et les bénéficiaires sont discriminés dans l’accès aux soins, jusqu’à 36 % de refus supplémentaires chez les médecins généralistes. À cela s’ajoute un non-recours massif : près de la moitié des personnes éligibles n’en bénéficient pas, faute d’information, de moyens ou de crainte administrative.
Cette offensive contre l’AME est donc doublement scandaleuse : injuste parce qu’elle frappe les plus précaires, inefficace parce qu’elle dégrade la santé de tous. Elle illustre le choix de Bayrou : plutôt céder aux obsessions de l’extrême-droite que défendre l’intérêt général.
La France doit rester fidèle à un principe simple : la santé est un droit, pas un privilège. L’AME en est une traduction concrète, humaniste et rationnelle. La remettre en cause, c’est non seulement attaquer les étrangers mais attaquer la République tout entière.
Comme le disait dans sa déclaration le Professeur Emmanuel Rusch, Société Française de Santé Publique (mars 2025) :
« Nous sommes inquiets des restrictions qui pourraient être apportées à l’AME, car elles mettraient en péril cet outil d’accès aux soins et à la prévention qui constitue un filet de sécurité sanitaire pour les personnes concernées et pour l’ensemble de la population. »