Plaidoyer pour protéger la mer Méditerranée de la catastrophe écologique et sanitaire des polluants persistants

3e édition du Forum économique parlementaire de l’APM, Marrakech, Maroc, vendredi 23 mai 2025


Table-ronde : « PFAS : Polluants persistants et impacts sur la santé humaine »


Gabriel Amard, Député et Rapporteur spécial au droit à l’eau et à l’assainissement de qualité à l’APM

Je tiens tout d’abord à exprimer ma gratitude à la Chambre des Conseillers du Royaume du Maroc et à la ville de Marrakech pour généreusement accueillir cette 3e édition du Forum économique parlementaire de l’APM.
 
Il semble important de conclure ce forum économique en soulignant les risques avérés de certaines activités industrielles sur le vivant. Les premières doivent être au service du second. Le développement de certaines activités ne peut détruire les communs du vivant. Sans quoi la Terre continuera à tourner sans nous, les animaux humains.

En l’occurrence, les substances per- et polyfluoroalkylées – les PFAS – constituent aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur, documenté par la communauté scientifique internationale, dans les zones euroméditerranéennes et du Golfe.

Ces polluants persistants sont utilisés absolument partout par l’industrie : dans la cosmétique waterproof, les ustensiles de cuisine, les emballages alimentaires, les couches pour bébé, les textiles de la vie quotidienne, les molécules de produits phytosanitaires de l’agriculture. Sont-ils indispensables dans tous ces domaines ? Je ne le crois pas. La France a commencé à interdire l’utilisation de ces molécules.

Comme le met en lumière la politique « une seule santé » de l’Organisation mondiale de la Santé, les sécurités sanitaire, environnementale et agroalimentaire sont intrinsèquement liées.
 
La diffusion de ces polluants persistants dans l’une de ces sphères a un impact direct, grave et certain, dans les autres.

Ils se retrouvent ensuite présents en quantité dans les eaux, les sols, les aliments, et jusque dans le sang humain et de toutes les formes de vie dont nous dépendons.
Comme le rappelle l’Association Générations futures et particulièrement la Docteure Pauline Servan, « Chaque jour de retard dans la gestion des PFAS va entraîner des difficultés et des coûts supplémentaires, mais aussi des risques d’atteinte des niveaux de toxicité dans l'eau et l'alimentation ».

Les données scientifiques sur la santé humaine sont aussi alarmantes : les PFAS sont associés à une multitude d’effets sanitaires graves, tels que des cancers du rein et des testicules, des perturbations endocriniennes, une altération du système immunitaire, ainsi qu’un impact avéré sur le développement des enfants.

Dans le cadre du rapport sur le droit à l’eau et à l’assainissement de qualité présenté lors de la 19e session plénière de l’APM en février 2025 à Rome, nous avions déjà convenu de l’importance pour l’APM d’étudier les conséquences de la présence de PFAS dans nos chaînes alimentaires et écosystèmes  euro-méditerranéens  et  du  Golfe.  Ce  travail
 
parlementaire et ce dialogue avec les scientifiques et spécialistes doivent se renforcer afin de nourrir nos débats et résolutions communes.
Par ailleurs, la question des PFAS est d’autant plus primordiale qu’en l’absence de politiques publiques ambitieuses et efficaces de dépollution, leur stabilité moléculaire les rend indestructibles dans l’écosystème dont nous dépendons.

En ce sens et à la lecture du rapport de l’Académie française des sciences du 25 mars 2025, je tiens à mettre en exergue que leur surnom de « polluants éternels » est erroné. Ces polluants peuvent être détruits, s’il y a une réelle volonté politique de dépollution des sites contaminés.

Des solutions comme l’incinération des PFAS à 1 400°C et la filtration des eaux par les charbons actifs existent et doivent être soutenues. Mais sans oublier qu’il faut détruire ces PFAS ainsi capturés et non les remettre dans la nature. Ceci impose donc de les détruire non seulement dans la filière du traitement de l’eau mais aussi dans celle des déchets, et de l’épuration des eaux usées.
 
A la lumière du consensus scientifique sur les conséquences gravissimes de leur utilisation, nous ne pouvons pas fermer les yeux. Il nous est impossible, en tant que représentantes et représentants de nos Nations, de nous dédouaner de notre responsabilité, de saboter le vivant délibérément.

Nous ne pouvons reproduire les mêmes erreurs que celles commises dans la gestion des crises sanitaires et environnementales passées. Je pense ici particulièrement à celle de l’amiante, qui a tué à petit feu des centaines de milliers d’hommes et de femmes, alors que les pouvoirs publics internationaux de l’époque connaissaient le caractère mortel de l’amiante. Ne faisons pas de la crise actuelle des PFAS, l’héritière de celle de l’amiante.

En tant que Député de la République française, c’est avec regret que je note que la France ne règlemente qu’une vingtaine de molécules PFAS sur les presque 20 000 existantes et commercialisées alors même que l’agence européenne des produits chimiques peut accompagner nos pays sur la voie de la protection de notre peuple. Il y a pourtant urgence sanitaire à interdire la famille des PFAS dans les cultures destinées à l’alimentation.
 
En tant que Parlementaire de l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, c’est avec espoir et détermination que j’aspire profondément à un travail collectif régional et transpartisan dans ce domaine, afin de dépolluer totalement les régions euroméditerranéennes et du Golfe de ces molécules chimiques.

Leur encadrement strict, leur traçabilité, puis à terme l’interdiction de l’ensemble des milliers de molécules de PFAS doivent guider notre action commune pour le bien du pourtour méditerranéen et du Golfe.

Une action commune ambitieuse apparaît comme la seule solution. Une régulation de leur parcellaire serait inefficace, voire une opportunité pour certains groupes industriels de déplacer leurs activités polluantes d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Or il n’est pas question de créer des « paradis PFAS ».

L’étude « PFAS in European seas » de l’Agence européenne pour l’environnement parue en 2024 alerte sur la contamination généralisée aux PFAS de la mer Méditerranée, alors que c’est notre commun pour vivre.
Il semble donc nécessaire de s’interroger sur des mesures concrètes de coopération régionale face à ce défi de santé environnementale, qui dépasse les frontières.
 
La résolution « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme dans les régions euro-méditerranéennes et du Golfe », que nous avons votée en février 2025 à Rome, invitait les Parlements nationaux à « lancer une réflexion sur la possibilité de doter la Méditerranée d’une personnalité juridique dans le but de prévenir, de réduire et de combattre la pollution dans la mer Méditerranée et de sauvegarder l’environnement marin ».

Doter de droits ce commun du vivant et gérer régionalement ces derniers, serait-ce une possibilité ? Je vous pose la question.

Ainsi, je tiens à conclure en rappelant la responsabilité des activités industrielles concernant la santé du vivant. Leur développement doit bénéficier au développement de toutes et tous, et non mettre en péril notre santé environnementale commune. Je mets en garde les industriels : « la Méditerranée est une communauté de vie et pas une poubelle mortifère ». Il ne suffit pas de faire des accords-cadres entre nos pays à propos de la souveraineté alimentaire, il faut aussi s’assurer que le Nord n’empoisonne pas le sud avec ses PFAS.
 
Tandis que le changement climatique ne cesse de s’accélérer et de reconfigurer à terme entièrement notre environnement, ne laissons pas sciemment les PFAS aggraver cette situation. Ne faisons pas de la crise des PFAS, une énième crise sanitaire inévitable.

La Méditerranée n’est pas un simple espace maritime. Elle est notre communauté de vie, le lien historique et écologique qui unit nos peuples depuis des millénaires.


Protégeons-la, protégeons-nous.
Vive la Méditerranée vive notre communauté de vie.

Gabriel Amard

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