Ce 9 octobre 2025, Robert Badinter entre au Panthéon. À ce moment, la République reconnaît l’un de ses plus grands serviteurs. Comme autrefois le capitaine Dreyfus incarna l’honneur bafoué qu’il fallut réhabiliter, Badinter incarne la victoire de la justice sur la barbarie, de l’humanité sur la cruauté d’État.
Né dans une famille meurtrie par l’antisémitisme et la Shoah, il porta dans sa chair les blessures du siècle. Sa vie, dès lors, fut consacrée à combattre l’injustice. Avocat, professeur, ministre, président du Conseil constitutionnel, il fut toujours ce qu’il avait décidé d’être : un homme debout pour la dignité humaine. Voilà le Robert Badinter de mon enfance et de ma jeunesse. C’est ce que dans ma famille nous connaissions et comprenions de lui.
Son nom reste attaché à la date du 9 octobre 1981. J’étais fier de mon pays quand à La Tribune de l’Assemblée nationale, par la force de son verbe et de sa conviction, il demanda l’abolition de la peine de mort en France. Cette victoire fut le fruit d’un long combat, commencé par Cesare di Beccaria et Victor Hugo, poursuivi par les républicains de 1848, et qui trouva son accomplissement dans la voix ferme et claire de Robert Badinter. Il arracha la France à la guillotine, faisant de notre pays une patrie de justice au regard du monde.
Il ne se contenta pas de cette conquête : il fit progresser les libertés publiques, dépénalisa l’homosexualité, supprima les juridictions d’exception, fit progresser les droits humains en milieu carcéral, élargit le droit de recours devant la justice européenne. À chaque étape, son geste fut le même : arracher l’homme à l’arbitraire et lui restituer sa dignité.
Aujourd’hui, alors que son cercueil repose parmi les grands, souvenons-nous : Robert Badinter n’a pas seulement défendu des lois, il a défendu une idée : qu’aucun État, aucun pouvoir, aucun peuple n’a le droit de tuer au nom de la justice.
Que ce soit clair : si la République l’honore aujourd’hui, ce n’est pas pour refermer une page, mais pour nous rappeler que son combat reste le nôtre. Car partout dans le monde, la peine capitale persiste, et l’extrême droite en France, hier encore, en appelait à son rétablissement.
Alors oui, saluons Robert Badinter. Et n’oublions pas la leçon qu’il nous laisse : la justice n’est jamais acquise, elle est toujours à conquérir.
Comme le disait Victor Hugo dans Actes et paroles :
« La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. »
Gabriel Amard