Taxe sur les GAFA : nouveau renoncement de l’Europe libérale

En décembre dernier, l’Union Européenne a une nouvelle fois loupé une occasion d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires des GAFAM. Car si les «Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft» et toutes les grandes entreprises informatiques sont très présentes sur le marché européen, elles ne connaissent pas ou si peu l’impôt.


Les GAFAM échappent à l'impôt en Europe

A coup de localisation optimale de leurs profits et de lobbying, ces multinationales réussissent le coup de force de n’être imposées en moyenne qu’à hauteur de 9% de leurs profits dans l’UE contre 23% pour les entreprises dites « classiques ». A titre d’exemple, Amazon a généré 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe en 2017, pour un impôt quasi nul. En plein mouvement des gilets jaunes pour plus de justice fiscale, en pleine défiance des populations face à cette Europe libérale où le moins-disant fiscal et social est devenu la norme, ce nouvel échec révèle encore un peu plus la crise du modèle européen actuel et son incapacité (ou peut être son absence de volonté politique réelle) de mettre au pas ces firmes mondialisées.


Une taxe symbolique en perspective

Et ce n’est donc pas près de changer au regard de ce nouvel épisode de renoncement politique. Devant le refus de l’Allemagne (redoutant la pression américaine sur une éventuelle taxation des importations de voitures allemandes), de l’Irlande et du Luxembourg (du fait de leur fiscalité avantageuse et donc attractive), ou des pays scandinaves (à l’image de la Suède dont la volonté est de protéger son géant numérique Spotify), la DST, « Digital Service Tax » est renvoyée aux calendes grecques. En effet, si en 2020, aucun accord international dans le cadre de l’OCDE n’a abouti en ce sens, alors peut-être que l’on rediscutera pour mettre en place une taxe à l’horizon 2021. Mais ne vous réjouissez pas trop vite, car dans l’éventualité d’une telle taxe, celle-ci ne serait que de 3% du chiffre d’affaires et non 5% comme proposée initialement et son assiette se réduirait aux seuls revenus publicitaires. Ce serait passer à côté de la manne véritable : la commercialisation des données personnelles des usagers, les activités de vente en ligne et de place de marché. En résumé, on verra pour plus tard et au pire, cette taxe sera essentiellement symbolique.


Une course au moins disant fiscal en Europe

Un manque d’ambition qui s’explique par l’idéologie libérale de l’Union européenne. l’enjeu est a compétition des Etats entre eux au sein du marché unique. En l’absence de droits de douane, il ne reste que deux leviers : le taux d’imposition des entreprises et le niveau de salaire des travailleurs. Ainsi c’est la course au moins disant fiscal et social partout en Europe. Cette absence de cohésion européenne explique alors la possibilité pour les grandes entreprises de mettre en place des stratégies d’optimisation fiscale, leur permettant de localiser leurs profits là où les conditions sont les plus favorables, comme en Irlande ou au Luxembourg, même si ce n’est dans ces pays que l’activité et le chiffre d’affaires se réalisent. Une des façons de contrer cette optimisation fiscale serait d’imposer non pas les bénéfices mais directement le montant du chiffre d’affaires selon son lieu de réalisation. Encore faut-il pouvoir l’évaluer avec certitude, or rien n’est moins sûr dans le secteur du numérique. En 2017, Google a déclaré un chiffre d’affaires en France de 325 millions d’euros, or le chiffre réel serait plus près des 2 milliards si on en croit le Syndicat des régies internet.


Le lobbying effréné des multinationales

Dans cette bataille qui oppose intérêts des peuples et intérêts financiers particuliers, on ne peut faire l’impasse sur cette arme redoutable qu’utilise les multinationales pour s’attirer les grâces des législateurs et éviter une régulation de leurs activités : le lobbying. Sous couvert d’apporter leur expertise, ces entreprises livrent une véritable guerre de défense et de promotion de leurs intérêts au cœur de nos instances politiques décisionnaires. Les GAFAM ont, mondialement, depuis plusieurs années intensifié leurs activités de lobbying. Depuis son inscription en 2012 sur le registre de transparence de l’UE, les dépenses de lobbying de Facebook, sont passées de 400 000 à près de 2.5 millions d’euros en 2017. Depuis 2014 et l’élection de la commission Junker, on ne dénombre pas moins de 90 rencontres avec des membres de la Commission européenne ou membres de cabinet. Pour Amazon, c’est 2 millions d’euros en 2017 et plus de 55 rencontres. Pour Google, c’est 6.25 millions d’euros et plus de 196 rencontres, etc… Microsoft et Google font partie des 10 entreprises les plus dépensières en lobbying auprès des institutions européennes.


Et en France ?

Le gouvernement a misérablement échoué à faire adopter avant les élections européennes la taxe sur les GAFAM. Résultat ? Macron a annoncé qu’il taxerait les GAFAM à minima (3% du chiffre d’affaires) à compter du 1er janvier 2019. Si c’est vrai, cela confirme au moins une chose : on peut désobéir en Europe et mener ses propres orientations ! Mais en réalité, la route est encore longue vers la fin de l’impunité fiscale des multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale. Les Etats doivent créer un rapport de force face à ces entreprises et en premier lieu les chasser des centres de décisions en interdisant les activités de lobbying !

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