Intervention sur la proposition de loi visant à garantir l’accès à l’eau potable par la gratuité des mètres cubes vitaux

Intervention du 15 novembre 2022 en commission développement durable et aménagement du territoire.

Monsieur le président,

Chers collègues,

 

Je suis heureux de vous présenter ici la proposition de loi visant à garantir l’accès à l’eau potable par la gratuité des mètres cubes vitaux que j’ai déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LFI-NUPES.

 

Je remercie par avance les collègues qui se sont rendus aux auditions, qui m’ont contacté pour avoir plus d’informations ou qui ont déposé des amendements, même si nous ne partageons pas forcément les mêmes points de vue. Je déplore cependant que des amendements de suppression aient été déposés. Ils visent à empêcher tout débat sur ce sujet, alors que récemment plusieurs personnalités politiques de premier plan, comme Edouard Philippe ou Aurélien Pradier, ont reconnu dans les médias que la question de l’accès à l’eau était fondamentale. Je suis d’accord avec eux, raison de plus pour en parler dans notre commission à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Je ne suis pas là pour faire un coup de communication.

Je remercie bien évidemment les administrateurs de notre commission pour leur travail jusqu’à la dernière minute.

Notamment, je veux pouvoir remercier chaleureusement Monsieur

Nicolas Dufrêne pour son travail à mes côtés et par ailleurs remercier mon équipe pour le colossal travail qu’il a fallu fournir en un temps record.

 

Trois jours sans eau et nous sommes morts. L’accès à l’eau est redevenu un enjeu primordial. D’une part, parce que près de 500 000 personnes n’ont pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité et près de 900 000 personnes n’ont qu’un accès limité à des installations sanitaires. C’est notamment le cas des 300 000 sans‑abris et des 20 000 personnes qui vivent dans des bidonvilles. Sans compter le fait que l’on dénombre 10 millions de pauvres en France. D’autre part, parce que les épisodes de sécheresse sont de plus en plus longs, étendus et intenses. Ils mettent en péril l’accès à l’eau des habitants - 117 communes ont été privées d’eau potable cet été - mais aussi des agriculteurs et de certaines industries. Il devient urgent de repenser totalement les usages de l’eau, qui est un commun (pour ne pas dire un bien commun) de tous les êtres vivants.

 

Cette proposition de loi a donc deux objets : rendre concret l’accès inconditionnel à l’eau potable et permettre de réduire la consommation globale de l’eau potable dans une optique de gestion plus raisonnée de la ressource.

 

Pour ce faire, ce texte est tout d’abord une proposition de généralisation des bonnes pratiques qui existent déjà en France, dans des collectivités de gauche comme de droite, dans des intercommunalités où toutes les sensibilités sont représentées, mais aussi dans des bourgs, des villes moyennes ou dans des métropoles, et que ce soit en gestion publique ou en gestion délégué à une entreprise privée.

 

La gratuité des mètres cubes vitaux existe déjà en France, par exemple à 10 mètres cubes sur le territoire d’Eau du bassin rennais, à 15 mètres cubes bientôt à Montpellier Méditerranée métropole, à 20 mètres cubes à Burlats dans le Tarn, à 40% de la facture d’eau à Limay dans Yvelines, soit 20 mètres cubes par personne (55 litres par jour et par personne). Il existe encore d’autres exemples de gratuité ou de quasi-gratuité des mètres cubes vitaux.

 

De même, l’accès gratuit à des fontaines d’eau potable, des toilettes publiques et des bains-douches existe déjà dans de nombreuses communes moyennes et grandes du pays. C’est certes parfois plus difficile dans les plus petites communes.

 

Certes, les dispositions de cette proposition de loi sont ambitieuses, mais le texte propose d’accompagner les collectivités pour les mettre en place.

 

Je propose d’une part des pistes pour rester dans le système de “l’eau paye l’eau”. C’est par la tarification progressive que la suppression de l’abonnement au compteur au domicile principal est financée, grâce à un lissage de son coût sur l’ensemble de l’eau consommée par les familles. La tarification différenciée selon les usages et plus particulièrement les usages économiques et les usages en résidences secondaires peuvent financer la gratuité des mètres cubes vitaux. Ainsi, la commune de Limay applique déjà la gratuité de 40% de la facture d’eau, soit 20 mètres cubes par personne et par an, en ayant sur son territoire un tiers de la consommation d’eau qui concerne les usages économiques. Je souligne ici que l’impact sur les sociétés est faible. La facture est une charge déductible, c'est-à-dire qu'elle n'est pas à réintégrer au résultat comptable pour pouvoir calculer l'impôt sur les sociétés. Pour la plupart des entreprises, cette proposition de loi a très peu d'impact, car elles paieront en conséquence moins d'impôt sur les sociétés.

 

Pour accompagner la mise en oeuvre de la proposition de loi et préserver l’usage global de la ressource, je propose en plus dans le rapport et dans certains amendements d’organiser un financement par des recettes diverses : une taxe de 10 centimes sur les eaux et sodas en bouteille, le passage de 10 à 20% du taux de TVA sur les eaux et sodas, la TVA à 0% sur la facture d’eau, une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, une hausse des redevances des agences, fin du plafond mordant.

 

Cette proposition de loi propose ensuite d’appliquer concrètement et réellement un accès inconditionnel à l’eau, c’est-à-dire de concrétiser une forme de droit à l’eau. L’eau est l’égale de l’air et d’un rayon de soleil. Elle n’a pas de prix, même si son captage, sa potabilisation et sa distribution ont un coût. Certains d’entre vous le savent, je travaille dans le même temps à une proposition de loi constitutionnelle transpartisane visant à transposer dans la charte de l’environnement le premier alinéa de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 28 juillet 2010 reconnaissant le droit humain à l’eau et à l’assainissement. Ainsi, c’est une autre logique que la tarification sociale. La tarification sociale propose d’aider les plus démunis, par des dispositifs qui conduisent malheureusement souvent à un non-recours aux droits massif. L’accès aux 50 litres d’eau par jour et par personne, l’accès aux fontaines, toilettes et bains-douches permet à toutes et tous, quelque soit leur condition de ressource de bénéficier de cet accès procède d’une autre logique. Il s’agit de rendre concret un droit. Il s’agit aussi de ne pas pénaliser les classes moyennes qui ne bénéficieraient pas, en cas de tarification sociale, de la gratuité des mètres cubes, mais qui par conséquent la financeraient pour les catégories les plus modestes. Cette logique est susceptible de créer du ressentiment social. De multiples exemples récents le montrent.

 

Cette proposition de loi écarte également différents sujets, intéressants en soi, mais qui mériteraient un texte beaucoup plus important et plus d’une réunion au sein de notre commission. Ainsi, cette proposition de loi ne traite pas de la part assainissement de la facture, elle ne traite pas des enjeux de gestion publique ou déléguée, elle ne traite pas non plus des usages de l’eau des acteurs économiques qui disposent de forages, autorisés par la préfecture et les agences de l’eau, comme la plupart des agriculteurs et de nombreuses usines. Ces usages sont en-dehors du périmètre de la distribution d’eau potable : je le dis car plusieurs amendements y font référence et n’ont pas donc pas d’objet dans le cadre de cette proposition de loi.

 

Cette proposition de loi est enfin un moyen de discuter de la transposition de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive eau potable, adoptée en décembre 2020 et dont la transposition doit intervenir en janvier prochain. Avec plusieurs députés de cette commission, nous avons demandé aux ministres de la transition écologique et de la santé de pouvoir discuter et débattre de ces enjeux, et nous n’avons pas de réponse.

 

Enfin, comme écrit dans le rapport, j’assume le principe de la perfectibilité de cette proposition de loi à l’aune des auditions réalisées. Durant les trois dernières semaines, j’ai mené plus de 20 auditions et rencontres, sans compter les 8 auditions que j’ai organisées le 19 septembre sous le patronage de Pedro Arrojo, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’eau et à l’assainissement. Ces rencontres avec des collectivités, des associations d’élus (dont une délégation de la FNCCR, de l’AMF et de France eau publique, le réseau national des gestionnaires publics, l’Association des maires ruraux de France) professionnelles (avec la FP2E) et des associations humanitaires, que je remercie, ont suscité plusieurs propositions d’amendements utiles et j’entends les défendre aujourd’hui.


Je vous remercie

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